Bukavu, Sud-Kivu, RDC

Introduction

L’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) emploie directement des millions de personnes dans le monde et contribue indirectement aux moyens de subsistance de nombreuses autres. En RDC, la moitié de la main d’œuvre se consacrant à l’EMAPE est constituée de femmes.

L’EMAPE se fait généralement de façon informelle et est souvent traitée comme une activité criminelle. Certaines communautés et organisations de la société civile voient dans l’EMAPE une alternative plus durable à l’exploitation minière à grande échelle, car elle emploie davantage de personnes et contribue directement au développement local. Cependant, l’EMAPE ne dispose pas des cadres et règlements suffisants pour protéger et soutenir celles et ceux qui interviennent dans le secteur et atténuer ses impacts négatifs sur l’environnement et sur la santé.  L’EMAPE est associée à divers impacts différenciés selon le genre, notamment la violence sexuelle et fondée sur le genre, l’exposition à des conditions de travail dangereuses et à des produits chimiques, qui affectent la santé reproductive des femmes, comme le mercure et les maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH et le sida. Le travail des femmes dans l’EMAPE est généralement dévalorisé ; les femmes gagnent beaucoup moins que les hommes. Que les femmes se consacrent à l’exploitation minière à petite ou à grande échelle, leur accès à ces possibilités est le reflet de questions de pouvoir plus larges dans tout le secteur extractif. Avec la nouvelle stratégie  2020-2025, la vision de la FECOMICO est que la dimension genre soit intégrée dans l’analyse, la gestion, le suivi et évaluation de tous les  projets.

  1. Contexte et condition des femmes dans l’exploitation artisanale et à petite échelle.

La discrimination à l’égard des femmes dans le secteur extractif se manifeste de diverses façons. Les politiques sexistes de recrutement et d’emploi des entreprises se fondent toujours sur des stéréotypes dépassés selon lesquels les femmes ne sont pas aptes à travailler dans les industries extractives.

Sur le plan institutionnel, la marginalisation des femmes dans le secteur extractif se reflète dans l’intégration insuffisante des questions de genre dans les politiques et les cadres réglementaires régionaux et nationaux. Même lorsqu’une perspective de genre est intégrée, des lacunes persistent en matière de mise en œuvre et de redevabilité.

Au niveau des projets, les préjugés sexistes bien enracinés se manifestent dans les rapports qu’entretient le gouvernement congolais,  les entreprises extractives,  les partenaires ainsi  que  les communautés concernées.

Les politiques et les pratiques indifférentes au genre entraînent l’exclusion des femmes des processus de consultation et de prise de décisions. Cette marginalisation est due aussi bien au fait que les processus de consultation ne sont pas conçus pour favoriser la participation des femmes qu’a l’existence d’obstacles structurels à l’implication des femmes – tels que leur accès limité aux ressources et à l’information, le manque de représentation politique et l’inégalité des rapports de pouvoir entre hommes et femmes au sein des ménages et des communautés, qui limite la participation des femmes à la vie publique. Le fait que les femmes n’interviennent pas dans les consultations et la prise de décisions est particulièrement problématique du fait qu’il existe une disparité marquée entre les hommes et les femmes dans la répartition des risques et des avantages liés aux projets extractifs. Les faits montrent que les projets extractifs bénéficient en premier lieu aux hommes (sous la forme d’emploi et d’indemnisation), tandis que les femmes supportent la plus grande part des coûts, tels que la rupture sociale et familiale, les risques pour la santé et la sécurité (dont l’augmentation de la violence à l’égard des femmes et des filles) et la dégradation de l’environnement (perte de terres, pollution, raréfaction croissante des ressources).

L’indifférence au genre qui entraîne l’exclusion des femmes de la prise de décisions produit, reproduit et accentue les impacts sexistes des projets extractifs. Si on veut que les industries extractives réalisent le potentiel de développement qu’elles promettent et contribuent à la réalisation des ODD, la  FECOMICO estime que  l’artisanat minier, le gouvernement et les institutions financières qui en assurent le contrôle, la promotion et le financement, doivent accorder une place centrale à la justice de genre au moment de concevoir et mettre en œuvre des politiques et projets extractifs. Les valeurs, la culture et les normes qui produisent et entretiennent les préjugés sexistes à l’égard des femmes dans le secteur doivent changer car,  tant que les femmes resteront en marge des processus de consultation et de prise de décisions, il sera impossible de remédier adéquatement aux disparités de genre qui concernent les bénéfices et les coûts des projets extractifs, et les droits des femmes demeureront particulièrement menacés.

  1. NORMES DE LA FECOMICO EN MATIERE DE GENRE.

Il existe de nombreux instruments juridiques relatifs aux droits humains et droits de la personne, mais les instruments suivants sont plus  particulièrement applicables  à la gouvernance minière : Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;  la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femme, la charte africaine de droits de l’homme et des peuples, la constitution de la RDC, le code et règlement minier de la RDC, les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et aux entreprises, et les ODD.

Pour la FECOMICO, Les conditions de travail des femmes dans les mines artisanales échappent encore largement au contrôle de l’Etat et demeurent très préoccupantes du fait que  plusieurs  femmes dépendent des revenus procurés par l’économie minière informelle pour soutenir leurs ménages. Pourtant, la participation des femmes dans l’artisanat minier ainsi que les impacts de genre de l’exploitation minière artisanale ne sont pas adéquatement pris en compte dans les mesures de réglementation de ce secteur, notamment afin de réduire les inégalités et discriminations qu’y subissent les femmes, ce qui va à l’encontre de la Convention susmentionnée et de la loi n 15/013 du 1e  Aout 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité spécialement en ses  articles 7, 8 et 9 qui garantissent la participation des femmes dans le domaine économique.

NORME 1.  Promouvoir l’égalité des sexes dans la  chaîne d’approvisionnement en minerais.

Si les politiques de cahiers de charge et le suivi de la redevance  minière  au niveau local   sont des outils par lesquels les entreprises minières contribuent au développement économique et social local, tout en aidant  ces entreprises  et le  gouvernement à atteindre leurs objectifs de développement durable des communautés locales,   la FECOMICO  s’emploie  à ce que ces politiques soient  axées sur l’augmentation de l’emploi direct, la passation de contrats d’achats locaux, la création de liens avec les autres secteurs économiques, la transformation au niveau national et local des produits extraits ou le renforcement de l’expertise nationale  et local dans  le secteur.  Sur le long terme, elles peuvent ainsi offrir des débouchés durables aux membres des communautés locales souhaitant être intégrés aux chaînes d’approvisionnement minières. Cependant, au niveau global, les femmes sont souvent exclues de ces chaînes d’approvisionnement locales, principalement en raison des inégalités fortement ancrées qui limitent leur accès aux ressources, notamment financières, ainsi qu’à la terre et aux équipements. La FECOMICO abordera explicitement ces formes de discrimination dans toute politique de contenu local et veillera  à ce que les politiques au niveau local  soient sensibles au sort des femmes en tant que segment marginalisé de la société.

Affirmant que la création d’emplois, les recettes fiscales publiques provenant des entreprises extractives et la mise en œuvre de projets de développement des communautés locales sont quelques-uns des principaux avantages promis par le secteur des industries extractives, la FECOMICO est engagée à travailler toutes les parties prenantes pour que les femmes bénéficient des avantages et que tous les  investissements favorisent l’égalité entre les sexes et les droits des femmes.

NORME 2.  Favoriser le leadership et la participation des femmes dans la formulation des projets et programmes de développement

La discrimination structurelle qui exclut les femmes des espaces de consultation et de prise de décisions au niveau local ou au niveau des projets se retrouve aussi au niveau national et régional. Les femmes étant souvent sousreprésentées dans les espaces de définition des politiques, leurs intérêts et leurs priorités sont moins susceptibles d’être intégrés dans la formulation des politiques.

Pour assurer la protection et la promotion des droits des femmes dans le secteur extractif, il est fondamental que le gouvernement et les entreprises favorisent la participation et le leadership des femmes des communautés concernées par des projets dans les processus de consultation et de prise de décisions ainsi que dans les espaces de gouvernance locale. Pour la FECOMICO, la participation et le leadership des femmes dans les instances décisionnelles à tous les niveaux permettent de s’assurer que les points de vue, les priorités et les intérêts des femmes sont exprimés et pris en compte. Cette participation permettra d’obtenir de meilleurs résultats en matière de droits des femmes et de justice de genre.  La mise en place    des méthodes et protocoles particuliers pour garantir la participation équitable et sûre des femmes des communautés concernées aux processus de consultation et de prise de décisions, concernant notamment les accords, programmes et plans de développement des communautés locales, la réinstallation et le rétablissement des moyens de subsistance, le suivi participatif des impacts des industries extractives et les processus de consentement libre, préalable et éclairé  sont au cœur du travail de la FECOMICO.

NORME 3. Encourager les changements normatifs et culturels qui favorisent l’égalité entre les sexes

En plus d’assurer la participation et le leadership des femmes dans les processus de consultation et de prise de décisions, la FECOMICO s’accorde à  jouer un rôle positif en appuyant les efforts visant à changer les normes sociales qui excluent les femmes de la vie publique et à éliminer les pratiques culturelles qui peuvent être préjudiciables ou discriminatoires pour les femmes à travers des réunions de concertation, des fora et dialogues sociaux.

NORME 4. Renforcement des capacités du personnel  de la FECOMICO, les coopératives  et les communautés locales sur les questions de genre.

La FECOMICO s’engage à :

  • Offrir à ses membres et aux communautés locales des formations de sensibilisation aux questions de genre qui couvrent des concepts essentiels tels que : l’égalité entre les sexes, les droits humains, la diversité et la non-discrimination. A cet effet, le personnel et les membres de coopératives devraient  comprendre les concepts de base liés au genre, ainsi que la pertinence et l’application de ces concepts dans notre travail.

– Promouvoir l’autonomisation économique des femmes en trouvant des moyens d’inciter les entreprises extractives à appuyer les organisations appartenant à des femmes dans leurs chaînes d’approvisionnement et à former les femmes sur le plan technique au niveau local.

–  Sensibiliser toutes les parties prenantes de la chaine d’approvisionnement en minerais responsables aux questions de genre et que le personnel qui intervient directement auprès des communautés touchées par des projets extractifs ait un niveau élevé de connaissances et de compétences en matière de genre.

-Renforcer la parité entre les sexes dans les pratiques de recrutement et d’embauche au niveau local en offrant une formation technique aux femmes.

– Veiller à ce que les programmes de formation soient conçus en fonction des besoins et des horaires des femmes, tout en créant des occasions de perfectionnement professionnel pour les employées et favoriser l’accès des femmes à des fonctions de direction.

– Investir dans le renforcement des compétences et l’autonomisation des femmes dans les  pistes essentielles de formation touchant aux compétences techniques dans les opérations minières, notamment les données géologiques, la géologie de terrain et la gemmologie, le tamisage et l’utilisation des équipements, l’acquisition de droits miniers,  la commercialisation ou le marketing, le réseautage, la connaissance des systèmes financiers et des exigences en matière de normes ainsi que les compétences en leadership et en affaires.

NORME 5.  ACCROITRE LA SENSIBILISATION ET LA MOBILISATION SUR LES DROITS DES FEMMES

Les activités de la FECOMICO cibleront  les inégalités entre les sexes qui persistent au sein de nombreuses communautés d’accueil de sites miniers  à travers des études, afin que les opérations minières n’aggravent pas ces inégalités. Pour ce faire, la FECOMICO prône  le travail  avec les dirigeants communautaires et les chefs religieux, les administrations locales et avec les groupements de femmes, y compris à organiser des campagnes de sensibilisation ciblant les femmes, les hommes et les jeunes dans les communautés concernées.

Dans le cadre de ces campagnes,  la FECOMICO  planifiera et organisera des ateliers sur l’autonomisation des femmes  et des discussions sur la prévention de la violence basée sur le genre associant les hommes et les garçons.

NORME 6. CONTRIBUER A LA SECURITE DES FEMMES DANS LE SECTEUR  MINIER

Dans le cadre de la  coordination entre les entreprises minières, les forces de l’ordre, les premiers intervenants/soignants et les autres prestataires de services de lutte contre les violences basées sur le genre,  la FECOMICO  encourage  les activités du Gouvernement et  des sociétés minières, à inclure les violences basées sur le genre dans leurs mécanismes de règlement des plaintes, ainsi qu’à élaborer des plans d’action et d’intervention en consultation avec les services compétents dans ce domaine. Le travail de la fédération se situe dans le sens de suivi et évaluation de la conformité  aux procédures opérationnelles standard et voies de recours en place au niveau des institutions étatiques, et préserver l’anonymat et la confidentialité des plaignantes. En outre, la fédération s’engage à faire en sorte que les activités minières et connexes susceptibles de compromettre la sécurité des femmes et des filles fassent  l’objet d’enquêtes rapides, transparentes et efficaces ainsi que  toutes les investigations nécessaires en cas de dénonciation de violations des droits humains sur les sites miniers ou dans les communautés d’accueil.

NORME 6.  PROMOUVOIR LE DEVELOPPEMENT DURABLE

L’exploitation des substances minérales est difficile à lier au développement durable. Cependant, le secteur minier peut fournir une source de subsistance accessible aux populations pauvres, non qualifiées et marginalisées, avec des obstacles financiers et administratifs limités et le temps de démarrage pour entrer dans le secteur, offrant ainsi un potentiel élevé de contribution bénéfique aux efforts de développement. En outre, à une époque où la diversification des moyens de subsistance est de plus en plus importante, l’artisanat minier peut jouer un rôle essentiel dans les stratégies de développement et dans la capacité d’adaptation, la résilience globale ainsi qu’un rôle majeur en stimulant le développement commercial additionnel autour des communautés et des sites miniers ainsi que des opportunités commerciales. Par exemple, la richesse initiale créée par les activités minières peut être investie dans des activités ou des moyens de subsistance à plus long terme et plus durables.

La FECOMICO veillera à ce que les projets  et les interventions ou activités connexes  s’efforcent  de maintenir ou d’améliorer les systèmes environnementaux, sanitaires ou socio-politiques, en minimisant les impacts négatifs ou préjudiciables. Les projets seront   conçus de manière à respecter les meilleures pratiques et les objectifs de durabilité et  les mesures d’atténuation pourront être   utilisées pour prévenir la réhabilitation en encourageant la mise en œuvre des meilleures pratiques dans le cycle de vie du projet.

En fin, comme  il existe une variété d’impacts environnementaux, sanitaires et socio-économiques potentiels de l’exploitation minière artisanale,  la prévention, l’atténuation ou le traitement des impacts environnementaux, sanitaires et socio-économiques nécessitent une compréhension générale de la complexité des défis et des forces au niveau micro et macro. En particulier, comprendre le contexte et les conditions dans lesquels l’exploitation artisanale minière  se déroule est essentiel pour mettre en œuvre efficacement toute mesure visant à prévenir ou à atténuer les effets négatifs et optimiser les effets positifs de ces activités dans le contexte du développement.

A la lumière des couches contextuelles au niveau local,  la FECOMICO  devra  effectuer des  évaluations diagnostiques de base ou communautaires, des conditions existantes afin d’identifier la gamme d’activités qui pourraient être associées ou impactées par l’exploitation artisanale  pour ainsi  aider à centrer la conception des projets et à maximiser l’impact et la durabilité.

NORME 7. ENTREPRENDRE DES EVALUATIONS D’IMPACT GENRE

La réalisation d’une évaluation d’impact environnemental et social (EIES) est souvent la seule condition préalable concernant les impacts locaux que le gouvernement impose aux entreprises extractives à l’étape de l’évaluation de la faisabilité du projet et de l’octroi du permis. Cependant, les évaluations ont tendance à considérer la « communauté » comme une unité homogène, sans tenir compte des différents rôles et des différentes situations des hommes et des femmes et  laissent souvent peu de place à l’analyse sexospécifique et ne permettent donc pas d’identifier les impacts différenciés d’un projet sur les femmes, les hommes, les filles et les garçons, ou sur les relations entre les sexes et les rôles attribués à chacun.

Le travail de la FECOMICO  se situe  au niveau des activités de suivi, évaluation ainsi que dans le plaidoyer pour exiger que les entreprises mènent des évaluations d’impact selon le genre pour tous les projets extractifs, dans le cadre ou en complément des processus d’évaluation  d’impact environnemental et social  et d’évaluation d’impact sur les droits humains. Pour la FECOMICO,  une évaluation d’impact selon le genre permet de comprendre les nombreuses causes de la marginalisation dans une communauté, dont le genre. Elle permet aussi d’identifier les impacts probables d’un projet sur les femmes, les hommes, les filles et les garçons et de formuler des recommandations pour atténuer les impacts négatifs et   veiller à ce que les femmes aussi bien que les hommes puissent accéder aux processus de consultation et de prise de décisions communautaires et bénéficier des avantages des projets. Avec les processus d’évaluation d’impact environnemental et social, et d’évaluation d’impact sur les droits humains, les évaluations d’impact  genre permettront  de s’assurer que l’exercice d’une diligence raisonnable de la part des entreprises minières permet de bien identifier les impacts des projets extractifs selon le genre.