Bukavu, Sud-Kivu, RDC

Introduction.

Un conflit peut être défini comme une interaction incompatible entre au moins deux acteurs, dans laquelle le premier acteur subit un dommage ou un préjudice tandis que le second produit ce dommage, intentionnellement ou non. Un conflit peut résulter de plusieurs causes, parmi lesquelles :

  • La divergence de valeurs entre des parties prenantes, sur le plan du mode de vie, de la culture ou de l’idéologie.
  • Le changement, qu’il soit social ou économique, qui modifie l’accès aux ressources en mettant parfois une partie devant le risque de devoir renoncer à ses avantages, perdre sa position de pouvoir ou même être dépossédé de ses biens.
  • Le manque d’information, qui peut générer une incompréhension des intérêts et des besoins d’une partie prenante ou une mauvaise interprétation de ces intérêts

Pour la FECOMICO, connaître la cause profonde d’un conflit est importante, soit pour le résoudre, soit pour ne pas l’aggraver à travers l’intervention d’un projet. Les conflits peuvent aboutir à des dégâts, comme ils peuvent générer des opportunités. C’est la façon de les percevoir qui aura un impact sur leur résolution. Une vision conventionnelle percevra le conflit négativement, l’associant à : colère, désastre, peine, peur. Tandis qu’une vision plus positive le percevra plutôt comme: renforçant, aidant, stimulant, éclairant, enrichissant, faisant progresser.

Ensuite,  Il y a une certaine contradiction à monter des interventions qui sont porteuses de changement social et à souhaiter que ces interventions n’aient pas d’effets négatifs sur le milieu au sens large.

Or les interventions qui ont des objectifs de changement social sont nombreuses, pour ne pas dire qu’elles sont la norme dans le domaine du développement, par exemple en matière de lutte contre les discriminations dans le secteur de l’artisanat minier.

Le changement social vise l’évolution des relations de pouvoir entre catégories d’acteurs, dans le sens d’une plus grande répartition des ressources (matérielles, économiques, symboliques, culturelles, politiques…), d’une réduction des inégalités dans l’accès à ces ressources, et dans certains cas d’une lutte contre les discriminations. Le changement social fait bouger les systèmes établis. En cela, il est source de tensions qui relèvent du  DO NO HARM au sein des communautés en général et celles à forte minérisation en particulier.

  1. CADRE INSTITUTIONNEL DE LA POLITIQUE.

Premièrement, l’expérience montre que travailler dans un projet sans accorder de l’importance au contexte conflictuel dans lequel il intervient entraîne des risques divers, principalement :

  • La mise en danger du personnel de la FECOMICO, des consultants, des partenaires et/ou des bénéficiaires.
  • Le gaspillage des ressources et du temps dans la gestion des problèmes additionnels dus à un défaut de sensibilité.
  • L’échec du projet ou du programme qui rate ses objectifs.

Deuxièmement, les organisations disposent de textes qui précisent leur cadre éthique, leurs politiques, leurs méthodes d’intervention, etc. Dans tous ces documents, le principe DO NO HARM  est susceptible d’être mentionné, de manière implicite (par exemple à travers la référence aux effets négatifs) ou explicite, avec ou sans définition claire.

  1. LA SENSIBILITE AUX CONFLITS DANS L’EXECUTION DES PROJETS  DE DEVELOPPEMENT

Tous les projets sont gérés selon des phases, que l’on appelle cycles de projet. Ainsi, qu’ils soient de grande  ou de petite dimension, tous les projets passent normalement par des cycles identiques.

Les étapes du cycle d’un projet sont globalement définies comme suit :

– L’analyse du contexte

– La conception du projet (planification)

– La mise en œuvre

– Le suivi-évaluation

– La sortie (clôture).

Au sein de la FECOMICO, le personnel contribue, directement ou indirectement, à toutes les phases du projet. Néanmoins, les responsabilités sont plus ou moins importantes selon que le projet/programme soit mis en œuvre par un partenaire gouvernemental, une ONG (internationale, nationale ou locale) ou par une agence multilatérale, ou encore qu’il soit en gestion directe en coopération avec des partenaires locaux et/ou nationaux. Dans tous les cas, le personnel est appelé à intervenir en intégrant la sensibilité aux conflits dans  son travail.

La sensibilité aux conflits implique que l’analyse du contexte soit également sensible aux conflits.

La FECOMICO appliquera les principes de sensibilité depuis la collecte de données, à travers :

– L’implication dans l’analyse d’un maximum de personnes concernées par le projet ;

– L’assurance que les personnes impliquées soient représentatives des différentes parties ;

– La garantie que le personnel qui mène l’analyse soit impartial et ne défend aucune partie au conflit ;

– La garantie d’un environnement sécurisé pour aborder les questions sensibles,

– Le partage des résultats de l’analyse avec les personnes interrogées et celles ayant contribué à cette analyse ;

– Le nouement de relations avec les membres de la communauté ou des institutions et la mise en place des structures d’analyse et de résolution des conflits, surtout dans le cas d’un projet qui cherche à résoudre un conflit.

En plus de l’étude du contexte au début de projet, il ya lieu d’assurer la mise à jour de l’analyse du contexte de pouvoir, de conflits, des diviseurs et des connecteurs, ainsi que le lien entre le projet et le “nouveau” contexte, et ce afin d’assurer tout au long du projet que l’intervention demeure sensible aux conflits. La mise à jour de l’analyse du contexte doit être faite parallèlement aux phases d’évaluation du projet : au début, en cours et à la fin du projet. Cependant, la sensibilité aux conflits exige une certaine flexibilité. Par conséquent, s’il y a une évolution importante du contexte, il serait approprié de collecter des informations spécifiques, indépendamment des échéances prévues. D’une manière générale, il existe des indicateurs classiques et des indicateurs spécifiques au contexte. Ces indicateurs servent à spécifier les changements dans le contexte et le rythme d’évolution, par exemple : – la fréquence d’incidents violents entre des individus ou des groupes déterminés, sur une période de temps précise, – la fréquence des négociations entre les parties en conflit. Le Monitoring régulier des changements susceptibles d’influencer le développement réalisé par la FECOMICO constitue un outil pertinent pour suivre les changements qui interviennent dans un contexte particulier.

2.2.  LA GESTION DES PROJETS SENSIBLES AUX CONFLITS

Pour la FECOMICO, elle  permet une plus grande clarté sur l’évolution des programmes et projets et offre plus d’opportunités pour atteindre les objectifs et satisfaire les groupes cibles. Intégrée systématiquement dans la gestion des programmes, la sensibilité au conflit ouvre de nouvelles perspectives au développement, non seulement en garantissant la réussite des programmes, mais aussi en permettant des transformations positives de la société qui se développe d’une façon exponentielle en multipliant les effets positifs recherchés.

2.3. SUIVI   ET EVALUATION SENSIBLE AUX CONFLITS

En plus de l’étude du contexte, le suivi doit tenir compte des changements du lien entre le contexte conflictuel et le projet. Il est donc nécessaire d’assurer un suivi des impacts mutuels entre le contexte et l’intervention. Pour garantir que le suivi-évaluation soit sensible aux conflits, le personnel de la FECOMICO devra :

– Consulter, en plus des bénéficiaires, les parties non ciblées par le projet, afin d’avoir une vision élargie du contexte et de ses liens avec le projet ;

– Réaliser la mise en place d’un mécanisme de feedback et de réponse aux plaintes des personnes consultées durant la mise en œuvre des activités, étant donné que la reddition de compte est l’un de principes de base de la sensibilité aux conflits. A défaut, ces personnes seraient réticentes à coopérer par la suite ;

– Réviser les risques et hypothèses du cadre logique et de la proposition de projet pour éviter les omissions ;

2.4. LA COMMUNICATION DE LA SORTIE DU PROJET

D’une manière générale, la communication est une variable nécessaire pour la sortie du projet. Elle doit dépasser les bénéficiaires et le personnel pour s’élargir aux autorités, aux institutions partenaires et à toute la communauté. L’objectif étant de toujours préserver et jusqu’à la dernière étape, la sensibilité aux conflits. L’objectif étant d’amener les partenaires et les bénéficiaires à l’acceptation de la fin du projet. D’ailleurs, pendant les  discussions  à mener  tout au long des projets, il sera possible de recueillir des informations qui pourraient exprimer la peur, les craintes et les risques perçus par la population vis-à-vis de la clôture du projet et d’en tenir compte dans la communication des messages que le projet véhicule.

  1. LE DO NO HARM

Le principe DO NO HARM permet à une organisation et ses équipes de s’interroger ouvertement et de manière structurée sur les effets négatifs d’une intervention et de chercher, en amont et en cours d’intervention, à les diminuer ou à les atténuer. C’est une avancée considérable, mais c’est une tâche complexe du fait que les effets négatifs d’une intervention peuvent être très variés et que chacun les perçoit en fonction de sa propre interaction avec les activités. La complexité est encore augmentée du fait que le DO NO HARM doit faire l’objet de compromis sous peine de conduire à l’impossibilité d’agir.

Pour la plupart des projets, le point de départ est l’analyse des besoins (diagnostic initial) qui se fait avant de conceptualiser le projet. Cette étape renvoie à l’analyse des acteurs, de leurs positions, de leurs enjeux et de leurs relations.

La  FECOMICO Intégrera une réflexion sur le  DO NO HARM à ce stade. Cela  inclura   une compréhension de la culture locale et des relations de pouvoir dans les communautés (en incluant l’ensemble des parties prenantes, et en prenant en compte les groupes discriminés, notamment les femmes, les peuples autochtones et les personnes vivant avec handicap).

D’autre part, l’analyse initiale des risques s’intéressera aux risques pour les bénéficiaires, plutôt que de se limiter aux risques pour le projet, comme c’est en général le cas actuellement.

Les projets sont encadrés par un nombre important de pratiques qui sont mises en œuvre avec une fréquence variable. Parmi ces pratiques, un nombre important ont un lien direct avec le  DO NO HARM, dans le sens où elles s’intéressent directement aux effets négatifs des interventions.

Pour la FECOMICO, la prise en compte du  DO NO HARM  passera  dans un premier temps par la mise en œuvre plus systématique de ces pratiques.

3.1.  ENCADREMENT DU PERSONNEL

Le principe  DO NO HARM  s’impose plus récemment dans le référentiel des équipes du secteur développement. Ces équipes ont donc plus de questions, d’autant plus que le DO NO HARM  est associé dans le secteur du développement aux effets négatifs qui touchent le milieu dans son ensemble, ce qui introduit une complexité supplémentaire. De plus, les interventions de développement ont souvent une ambition de changement social, qui entre en tension avec la prise en compte du DO NO HARM.

La prise en compte de DO NO HARM  est donc perçue comme plus complexe dans les projets de développement.  Dans le cadre de la mise en œuvre des projets et programmes, la FECOMICO veillera à:

  • Faire plus de place au DO NO HARM dans les formations initiales. La formation visera  en priorité le personnel local.
  • Systématiser l’utilisation d’un certain nombre d’outils de gestion de projet en lien avec le DO NO HARM qui sont encore peu utilisés
  • S’assurer que les projets identifient de manière précise les principaux risques d’effets négatifs et prévoient des mesures de mitigation.
  • Développer des outils de prise de décision pour résoudre les situations complexes en lien avec le DO NO HARM.
  • Mettre en place dans les projets un dispositif de suivi des effets négatifs en lien avec le DO NO HARM

3.2.   SUIVI  ET EVALUATION

Suivre et mesurer l’application du principe DO NO HARM   est l’ une des questions clé  de la FECOMICO  pour  déterminer si le DO NO HARM  doit être suivi et évalué de manière systématique dans les projets (au niveau des actions) ou s’il faut une approche plus globale visant à suivre l’application du principe en général. Si les deux niveaux sont concernés, le  dispositif de suivi-évaluation du DO NO HARM  sera  basé sur :

  • L’inclusion d’indicateurs DO NO HARM» dans le suivi régulier des projets.
  • L’intégration de manière systématique du DNH dans les critères d’évaluation (fin de projet), en particulier lorsque les projets ont connu des difficultés (révélées par le mécanisme précédent).
  • L’inclusion du DO NO HARM dans des revues plus transversales, qui permettront  de suivre l’application du principe par l’organisation dans son ensemble.

3.3.   MECANISMES DE FEEDBACKS

Il semble important que dans chaque projet un dispositif permettant de faire le suivi des effets négatifs soit en place. Idéalement il doit s’agir d’un dispositif participatif qui permet aux bénéficiaires et autres parties prenantes de faire part de leur point de vue. Dans le cadre de cette politique, la FECOMICO entamera avec les communautés où elle intervient à la mise en place :

  • D’un système de gestion des plaintes ;
  • Des comités de pilotage, initialement créé pour permettre à la communauté et aux autorités locales de participer à la conception du projet, puis mobilisé pour obtenir les retours des bénéficiaires ;
  • Des enquêtes auprès des bénéficiaires, les non-bénéficiaires et des autres parties prenantes pour avoir leur point de vue sur les activités.